Commémoration des 80 ans des Combats des Glières.
Ci-joint, le texte de M. Métral, Président de l'Association des Glières, le jour de la cérémonie.
CÉRÉMONIE DU 80ème ANNIVERSAIRE DES COMBATS DES GLIÈRES NÉCROPOLE NATIONALE DES GLIÈRES, MORETTE,
Dès avril 1944, alors que l’armée allemande et la Milice faisaient régner la terreur dans notre département, les premiers morts des Glières tombés sous les balles de l’ennemi furent inhumés en ce lieu. Grâce à la volonté du Maire de Thônes de l’époque, Louis Haase, s’opposant à la volonté de l’officier allemand ordonnant qu’ils soient jetés dans une fosse commune, les maquisards allaient recevoir une sépulture digne de leur combat pour la Liberté. Les principales victimes de cette chasse à l’homme organisée par la Milice complice de l’occupant furent progressivement rassemblées dans cette nécropole pour honorer leur mémoire. Le 5 novembre 1944, le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République française, se recueillait devant les tombes de ceux des Glières qui avaient fait le sacrifice de leur vie quelques mois auparavant. Il déclarait : “ Leur exemple durera. Il demeurera, je vous l’assure, comme un témoignage splendide, jeté à travers le monde, de la résolution de la France dans la plus terrible guerre de son histoire ”. 80 années plus tard, leur témoignage est vivant. Les témoins nous ont quittés mais ils nous ont laissé en héritage leur détermination à construire un monde plus juste et plus humain, un Esprit, celui des Glières. Leur engagement porte une dimension humaniste fondée sur les valeurs qu’ils ont partagées autour de leur chef charismatique le lieutenant Tom Morel, puis du capitaine Maurice Anjot. À la lecture du livre qu’ils publient dès 1946, Glières, Première bataille de la Résistance, on saisit très vite l’ampleur du drame qui s’est joué sur ce Plateau. mais on découvre aussi la motivation de ces hommes luttant contre des ennemis implacables et l’idéologie funeste dont ils sont porteurs. Aujourd’hui cette mémoire est portée par l’Association des Glières et le Conseil Départemental de Haute-Savoie : elle est offerte à tous ceux qui veulent s’en emparer, au monde enseignant en priorité. Quatre générations se sont écoulées, et la jeunesse de nos écoles vous accueille, Monsieur le Président, avec leurs enseignants. 600 enfants des écoles primaires, des collèges, des lycées, tous convaincus que ce qui s’est joué lors de cet hiver 1944 sur ce Plateau enneigé est une source de réflexion et d’engagement pour vivre pleinement leur appartenance à la communauté nationale. Cette cérémonie à la Nécropole Nationale des Glières à Morette voulue et codifiée par les Rescapés eux-mêmes est un moment de souvenir, à l’évidence, mais aussi un temps de partage et de réflexion sur l’actualité des valeurs portées par ce maquis, sur notre volonté de vivre ensemble au-delà de nos origines, de nos convictions religieuses ou politiques. La lutte menée par le maquis des Glières s’inscrit dans un contexte historique particulier où la France de Vichy discriminait, où les valeurs républicaines qui avaient cimenté le peuple français étaient bafouées par des lois portant atteintes à la cohésion nationale (statut des juifs, restriction des libertés, interdiction d’exercer, état de siège …), où notre devise républicaine “ Liberté, Égalité, Fraternité ” avait été remplacée sur le fronton de nos mairies par “ Travail, Famille, Patrie ”, où la France était occupée par une puissance étrangère porteuse d’une idéologie mortifère semant le chaos dans toute l’Europe, prônant la supériorité d’une race sur toutes les autres… Face à ce désordre moral, bien peu de femmes et d’hommes osèrent se soulever. On estime que 2% de la population fut impliquée dans une résistance active. Les maquisards des Glières étaient de ceux-là. Le combat idéologique et existentiel mené entre deux conceptions de la France n’était rien d’autre qu’une guerre civile. D’une part se développait une société qui stigmatise, qui a peur de l’autre, qui trouve des boucs émissaires dans l’étranger, qui pactise avec l’ennemi (et qui va souvent au-delà de ses demandes), de l’autre ce “ peuple de la nuit ”, ces “ hors-la-loi, ces “terroristes ” qui surent dirent “ Non ” à cette fatalité. Aujourd’hui, alors que la guerre est aux portes de l’Europe, et que d’autres conflits armés se développent, alors que notre société est en proie à de nombreuses interrogations sur son devenir, le maquis des Glières reste un formidable exemple de cohésion sociale, un socle sur lequel le futur se bâtit. Sur ce Plateau enneigé, faisant face à la Milice et à l’armée allemande, les maquisards des Glières étaient devenus le “ Bataillon des Glières ”, ils étaient Autrichiens, Espagnols, Français, Italiens, Polonais, même Allemand ou Russe. Ils avaient retrouvé leur dignité d’homme et défendaient cette liberté pour laquelle ils étaient devenus des soldats, des frères d’armes. Voilà pourquoi Glières est une formidable leçon pour les générations futures de ce “ Vivre ensemble ”., une éducation à la citoyenneté sur laquelle notre jeunesse doit s’appuyer. Et c’est la raison pour laquelle commémorer, c’est entrevoir un avenir plus radieux et plus humain. Et leur héritage puisait ses racines au plus profond de la pensée grecque :
“ Qui n’espère pas n’atteindra pas l’inespéré qui est au-delà de toute recherche Et à l’écart de toutes les routes. ” (Héraclite)
Texte lu par Lisa, élève de 3e3 :
« Vivre libre ou mourir », telle était votre devise. Louis, André, Guy, Manuel, Tom et Maurice bien-sûr, et tant d’autres. Alors âgés d’une vingtaine d’années seulement pour la plupart, vous êtes morts ici, aux Glières, en cet hiver 1944, pour que je puisse vivre libre aujourd’hui. Grâce à l’engagement sans faille dont vous avez fait preuve, face à un ennemi bien plus puissant que vous, vous avez donné corps, par votre sacrifice dans cette tragédie, à l’esprit des Glières, « et montré au reste du monde la voie à suivre vers la Liberté. »